Burkina Faso : Est-ce toujours rentable d’investir dans les taxis ?
Il y a quelques années, être propriétaire de taxi-vert au Burkina Faso était rentable. Cependant, depuis les années 2010, les choses semblent avoir changé. Ce changement s’explique entre autres par la mise en circulation des taxi-moto et plus tard les différentes crises qu’a traversées le pays. Aujourd’hui, plusieurs acteurs du domaine clament haut et fort que le taxi-vert n’est plus une bonne affaire. Paradoxalement, il y a environ 8000 taxis qui roulent dans les villes de Ouagadougou et de Bobo – Dioulasso. Nous en sommes donc à nous demander, s’il est toujours rentable d’investir dans les taxis au Burkina Faso. Pour y répondre, Bizya Africa a rencontré des acteurs du domaine à Ouagadougou.
Le taximan à Ouagadougou
Ouagadougou ; Il est 15h. Nous sommes à la gare de train SITARAIL en face du square naaba koom et le vacarme de la circulation est à son comble. Des taximen, parlant tous en même temps, nous proposent chacun ses services. Après leur avoir exposé l’objet de notre visite, ils repartent tous. Tous, sauf monsieur Patrice Ouédraogo, qui a accepté nous parler de son travail. « Je démarre le matin à 6h et je fais tous les trajets. Un trajet normal dans un circuit donné coute 300 F CFA au client. Si un client souhaite que je dévie du circuit conventionnel, Il suffit qu’il me dise où il veut se rendre et si on s’entend sur le prix je l’emmène », nous explique monsieur Ouédraogo. « Chaque jour, je dois verser une recette de 8000 F CFA au propriétaire du véhicule. » Je suis payé à 1000 F CFA le jour, ce qui donne un total de 30 000 F CFA le mois si je travaille tous les jours. S’il arrive que je gagne plus que la recette de 8000 F CFA, le reste m’appartient ». A notre question de savoir si le taxi est rentable, Patrice nous répond à l’affirmative, mais uniquement pour les propriétaires.
Le taxi est rentable pour les propriétaires, à condition que le véhicule soit en bon état.
Pour vérifier si le taxi est vraiment rentable pour les propriétaires des véhicules, nous rencontrons Karim Ouédraogo. Karim est propriétaire de taxi. « Je fais le taxi depuis environ une dizaine d’années et j’ai deux taxis à mon compte. C’est une activité que j’aime bien, je peux avoir au moins 20 000 F CFA comme bénéfice journalier pour les deux taxis mais cela à condition que les véhicules restent en bon état. Avec cette somme j’arrive à subvenir aux besoins de ma famille et à faire des réalisations. Cependant, nous rencontrons beaucoup de difficultés dans l’exercice de notre profession, notamment les taxes qui sont élevées ». En faisant un petit calcul mathématique, il s’avère qu’avec ses deux taxis dont l’un est conduit par lui-même, Karim gagne environ 600 000 F CFA par mois s’ils travaillent tous les jours du mois.
Pour apprendre davantage sur les taxes qui empêcheraient les taxis d’être rentables, nous allons à la rencontre du président de la Fédération Nationale de Syndicat des Taximan et des Acteurs du Transport Urbain du Burkina.
Le siège de la FNST est situé à quelques mètres de la Sitarail. Nous y rencontrons monsieur Emmanuel Nacoulma qui en est le président. « Pour être un taximan il faut d’abord passer dans un bureau des syndicats pour se faire recenser et faire identifier le véhicule à hauteur de 5000f CFA et 1000f CFA pour l’acquisition du numéro du taxi. Ensuite, il faut se rendre au Centre de Contrôle des Véhicules Automobiles (CCVA) pour faire la visite technique. A l’issue des deux premières étapes, il faut se référer à la mairie pour payer la patente et la taxe sur les stationnements. Enfin, il faut faire l’assurance du véhicule et revenir au niveau d’un bureau ici avec 2 photos du conducteur pour qu’on puisse l’identifier en cas de problème » explique-t-il. Le président de la FNST aussi juge leurs charges élevées. « Par exemple pour l’assurance et la visite technique nous payons respectivement 120 000 F CFA et 28 000 F CFA l’an. Les taxes communales que sont la patente et le stationnement nous reviennent à 50.000f par an. En plus de tout cela, l’Etat vient d’ajouter la taxe sur le développement communal et le changement des plaques d’immatriculations. Il est vraiment difficile de s’en sortir avec toutes ces taxes », renchérit-il.
Les implications liées au contrat d’assurance
Pour mieux comprendre les implications liées au contrat d’assurance, nous nous rendons dans une compagnie d’assurance de Ouagadougou. Nous y sommes accueillis par un agent. Il nous explique que « La prime normale d’assurance des véhicules taxis est généralement annuelle et est à partir de 200 000 F CFA en allant. Ayant constaté que la plupart des taximen sont des employés qui doivent quotidiennement verser une recette aux propriétaires, nous avons jugés bon de fractionner la prime d’assurance qui tourne aujourd’hui autour de 120 000 F CFA l’an. Il est possible de la payer par trimestre, par semestre ou par an. Le constat que nous faisons est que la plupart d’entre eux paient cette assurance par trimestre », nous confie-il.
Et la patente ?
Nous allons à la mairie centrale, au service des regroupements des propriétés communales et autres taxes. Là, nous nous entretenons avec monsieur Modeste Bassolé. « La taxe de stationnement par délibération communale est de 20 000 F CFA par an, payable et valable du 01 janvier au 31 décembre de l’année en cours ».
Après avoir rencontré les acteurs du secteur du taxi-vert à Ouagadougou, notre question demeure. Est–il toujours rentable d’investir dans le taxi au Burkina Faso ?
Les avis restent partagés, selon que c’est le conducteur ou le propriétaire qui s’exprime. Toutefois, ils reconnaissent tous que ça marche mieux si le véhicule est en bon état et surtout si l’entretien est bien fait.
Nous nous essayons donc à un calcul purement théorique pour boucler la question :
- Si une Mercedes en bon état coute au moins : 2 000 000 F CFA
- Si la visite technique coute : 28 000 F CFA / an
- Si la patente et la taxe de stationnement coutent : 50 000 F CFA / an
- Si l’assurance coute : 120 000 F CFA / an
- Si le changement de peinture du véhicule coute : 30 000 F CFA
- Si l’entretien du véhicule coute : 150 000 F CFA / an
- Si ce que nous avons oublié d’estimer tourne autour de : 40 000 F CFA
Il faut un investissement annuel d’environ : 3 768 000 F CFA pour un taxi.
Si le taxi roule tous les jours sauf les dimanches pour une recette de 8 000 F CFA/jour, il y aura un gain annuel d’environ : 2 496 000 F CFA.
Dans le meilleur des cas, c’est à partir de la 2ème année que le taxi en bon état commence à devenir rentable.
Ces calculs ne prennent pas en compte la formule « travailler payer ». Dans cette formule, le propriétaire du véhicule s’entend avec le conducteur sur le prix de vente du véhicule. Le conducteur est tenu de verser des traites mensuelles sur une certaine période, jusqu’à concurrence du prix d’achat, avant de garder le taxi.
Des différentes rencontres, nous retenons que le taxi est encore rentable aujourd’hui au Burkina Faso, mais dans ces conditions :
- Avoir un véhicule en bon état
- Faire l’entretien régulier du véhicule
- Avoir ses papiers en règle
- Etre le propriétaire et le conducteur en même temps
Chaque business a ses secrets et le taxi n’est pas en reste. Les conducteurs se plaignent de ne rien gagner. Les propriétaires eux se plaignent du « manque de sérieux » de certains conducteurs. Le Syndicat des taximen se plaint de la lourdeur de leurs taxes. L’administration est préoccupée par certains taximan qui trichent sur les taxes. Toujours est-il que si 8000 taxis sont encore en circulation, c’est que beaucoup d’acteurs y trouvent leur compte. Les quelques clients que nous avons rencontré au cours de nos échanges ont surtout souhaité plus de propreté dans les taxis. Pour être plus rentables, les taximen seront obligés de trouver d’autres astuces. Pourquoi ne pas développer d’autres services à bord.
Rabi KABA
Merci pour ce bon article.
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