Burkina Faso : Le business de la seconde vie des pneus
Le recyclage est une activité qui consiste au traitement des déchets industriels ou ménagers pour les réutiliser dans la fabrication d’autres produits. Dans les sociétés de consommation comme celle du Burkina Faso, elle représente une des activités économiques créatrices de revenus et d’emplois. Toutefois, entre logique économique et nécessité écologique, il peut y avoir des divergences.
Pour cela, la plupart des entreprises « s’habillent » en vert. ECO ART & BTP a fait mieux que de se mettre en vert. Cette jeune entreprise du BUrkina Faso fonde son business sur le recyclage et la transformation des pneus usagés en articles décoratifs et en pavés. Nous vous proposons de découvrir une femme ambitieuse qui a décidé de rendre un service à sa communauté par le recyclage et la transformation des pneus usagés en objets utilitaires.
Eco-Art & BTP la solution à un problème environnemental et économique au Burkina Faso
Le Burkina Faso a l’instar d’autres pays du Sud, est souvent qualifié de dépotoir à ciel ouvert de véhicules d’occasions. Certaines pièces de ces automobiles tels les pneus constituent plus tard des déchets qui affectent l’environnement. A cette masse de pneus usagers s’ajoutent ceux produits au niveau national. Ces derniers qui sont abandonnés dans les carrières et dans les poubelles à ciel ouvert peuvent avoir un impact négatif sur le sol et sur la santé humaine. Face à une telle situation, et en l’absence d’une politique nationale de gestion de tels déchets, Laure Nadège Yanogo a pris ses responsabilités. Avec son entreprise ECO-Art & BTP, elle utilise les pneus usagés pour fabriquer plusieurs types d’objets dont les pavés.
Les secteurs d’intervention de Eco Art BTP sont le recyclage, la décoration d’intérieur, l’aménagement paysager et les Bâtiments et travaux publics (BTP). En effet, cette entreprise réalise des meubles à partir des pneus usagés, les plastiques, les cartons et d’autres objets issus de la récupération. Avec les pneus usagés, elle fait aussi des revêtements « souples, amortissant et résistant » du sol. En plus de ces produits, elle offre également des services de conseil en décoration d’intérieur. Lancé en janvier 2018, le projet de Laure Nadège Yanogo fait son bonhomme de chemin. Il est plein de promesses sur le plan environnemental, social et économique.
C’est ainsi que l’année 2019 a fini sa course en annonçant de bonnes perspectives pour l’avenir. Elle a permis de réaliser un chiffre d’affaire d’environ 3.000.000 de francs CFA. L’année 2020 quant à elle s’annonçait bonne dans les prévisions de la société d’après sa Directrice générale. Mais comme dans d’autres secteurs, la crise sanitaire liée au covud-19 impacte négativement les activités de cette entreprise citoyenne qui commençait à prendre son envol.
Des pavés en pneus pour un aménagement paysager économique et durable
Les pavés en pneus présentent un certain nombre d’avantages sur le plan technique et esthétique. Sur le volet technique, ils s’utilisent sur les terre-pleins centraux, les bordures de chaussées, l’aménagement des rues, les revêtements de sol des cours d’habitats et d’immeubles. Ces types de pavés ont l’avantage d’être souple, amortissant et lavable. Ils résistent au soleil et à la pluie à en croire l’ingénieur en Génie civil Laure Nadège Yanogo.
Dans la fabrication des pavés, notre interlocutrice à sa technique. Ses revêtements sont pour le moment faits de façon artisanale par l’emploi de technique propre à elle. Toutefois, il faut beaucoup plus de moyens si cette trouvaille veut impacter le secteur de l’aménagement paysager au Burkina Faso et dans la sous-région.
La révélation à Afrikpagba en dépit des difficultés
Les débuts de Laure Nadège Yanogo étaient assez difficiles au regard de la nouveauté de ses produits. Nous sommes en janvier 2018 et l’entreprise de notre hôte venait de voir le jour. « Quand je démissionnais je n’avais rien préparé. Je n’avais rien comme base financière mais il y a quelqu’un qui a bien cru en moi et qui m’a aidé à démarrer » nous confie madame Yanogo. Avec l’accompagnement de cette bonne volonté, elle a pu fabriquer les premiers échantillons de puffs, de pots de fleurs et des pavés qui ont été exposés à la foire Afrikpagba. La participation à cette foire s’inscrivait dans l’objectif de se faire connaitre et faire connaitre ses produits. Même si les résultats de ce rendez-vous auguraient des lendemains meilleurs pour les affaires de madame Yanogo, « la population a besoin d’être sensibilisée » lance-t-elle.
Les prix des autres produits à Eco-Art& BTP
La clientèle se montre très intéressée par les produits de Nadège Yanogo, même s’il faut reconnaitre qu’elle a la peau dure. « Les gens ne voient que les pneus usagés. Ils ne voient pas tout le travail qui se fait derrière pour le rendre beau. Pour eux, dès qu’ils entendent pneu usagé, c’est un déchet donc le prix doit être dérisoire » se désole la jeune chef d’entreprise. En exemple, les prix varient entre 5.000 francs et 225.000 francs CFA en fonction des articles. Pour les étagères, ils vont de 40.000 à 50.000 francs CFA, le salon va de 100.000 à 225.000 francs CFA en fonction du nombre de fauteuils.
Les pots de fleurs coûtent entre 7.500 et 15.000 francs CFA, les tables entre 30.000 et 50.000 francs CFA. Pour ce qui est des puffs aux pagnes spéciaux ils sont à 35.000 francs CFA. Les puffs spéciaux à 30.000 francs, les puffs ordinaires à 25.000 francs. Les puffs range-jouets à 25.000 francs CFA. Quant à la gamme des pots de fleurs faits de bouteilles recyclées, ils sont à 5.000 francs CFA. Enfin, les objets décoratifs comme les sapins de noël en pneus, se vendent à 50.000 francs CFA.
Après la clientèle l’autre soucis majeure se trouve du côté des couts de production. Les éléments qui rentrent dans la fabrication des produits sont entre autres les pneus, la mousse, les cartons, les cordes, la peinture, le fer à béton, les bouteilles etc. « Ce sont des choses qui nécessitent beaucoup d’argent » nous explique-t-elle. « Même les objets d’art que vous voyez nécessitent beaucoup d’articles que nous devons assembler pour faire ressortir quelque chose de beau ». Mais la clientèle a tendance à occulter le travail artistique qui est effectué aux dires de la responsable, qui pourtant vient de loin.
Un parcours dans le milieu « masculin » des BTP du Burkina Faso
Après des études en gestion de projet en 2016, le sens de l’observation de Laure Nadège Yanogo va la conduire vers les pneus usagés dispersés çà et là dans la ville de Ouagadougou. C’est alors qu’elle approfondie ses recherches sur cette matière et fut émerveillé de ce qu’on pouvait en faire. Eco Art & BTP voit alors le jours en janvier 2018 pour redonner une seconde vie aux pneus usagés.
Derrière cette petite biographie de madame Laure Nadège Yanogo, se cache une solide expérience dans le domaine du bâtiment et des travaux publics. En effet après une dizaine d’années dans le secteur, elle démissionne en 2017. C’était à la fin de sa formation en gestion de projet. C’est le début d’une aventure qui s’annonce passionnante et jonchée de difficultés.
Dans l’attente de potentiels investisseurs
Laure Nadège Yanogo est une femme ambitieuse. Toute chose qui l’amène à voir loin dans son projet en dépit des difficultés financières. Pour positionner son entreprise comme leader dans le recyclage et la fabrication des pavés et d’autres produits décoratifs, elle dit avoir besoin d’accompagnement. C’est pourquoi elle multiplie les actions dans l’objectif d’acquérir des équipements de production en masse.
« Actuellement le prototypage des pavés est déjà prêt et j’attends les financements pour acquérir deux machines. La machine pour broyer les pneus coûte environ 30 millions. Celle pour la formation des pavés coûte entre 5 et 7 millions. Un montant sans les frais de transport, de douane et de l’aménagement du site d’implantation » a-t-elle détaillé. En attendant Laure Yanogo nourrit l’espoir de rencontrer des investisseurs intéressés par son projet à fort impact social. Dans plusieurs pays, le recyclage fait vivre nombre de communautés vulnérables. C’est d’ailleurs l’objectif recherché par madame Yanogo à travers son projet.
Dans un monde en proie à de graves dérives environnementales et climatiques, il est plus que nécessaire de développer des entreprises résilientes. C’est pour cela que le concept d’économie verte est plus que jamais d’actualité. Mieux, elle fait l’objet d’une politique internationale de production et de consommation respectueuses de l’environnement.
Les Nations-Unies à travers les Objectifs du Développement Durable (ODD) font déjà sa promotion. L’exemple de Laure Nadège Yanogo a d’ailleurs séduit le Programme femmes jeunes entreprenants et citoyenneté du Programme des Nations-Unies pour le développement Burkina Faso (ProFeJeC-PNUD). Ce programme l’accompagne au travers d’un incubateur. Le souhait de la promotrice est de voir l’Etat burkinabè encourager de telles entreprises innovantes par l’introduction des pavés en pneus dans les travaux des BTP.
Arnaud Fidèle YAMEOGO