« Bouzoute yaar » ou le marché des têtes de chèvres
« Bouzoute yaar » ou marché des têtes de chèvres en Mooré est un marché. Il est situé à quelques encablures du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO). Dans ce marché on vend des pattes, des peaux et des têtes de petits et de gros animaux fumés. Une équipe de Bizya Africa a fait un tour dans ce marché pour s’imprégner du fonctionnement de ce business qui fait vivre plus de 400 hommes et femmes.
Il est environ 11 h quand nous arpentons une ruelle du quartier Sanyiri de Ouagadougou. Nous sommes aux alentours du SIAO. A l’horizon nous apercevons de la fumée. Plus nous nous approchons de la source, plus nous pouvons sentir une odeur de viande brulée. Une fois sur place, nous apercevons un espace aux allures de marché. Après renseignement nous sommes bien à « bougzoute yaar » littéralement appelé marché des « têtes de chèvre » en langue nationale mooré.
Nous prenons attache avec les responsables du marché pour avoir plus d’informations. C’est ainsi que Kabré Boukary un commerçant va répondre à nos questions. A en croire cet homme, ce marché est une véritable industrie à ciel ouvert de traitement des viandes résiduelles d’animaux. Cette activité existe depuis plusieurs décennies. Si les plus jeunes viennent de rejoindre l’aventure, pour Boukary Kabré et les autres, c’est l’histoire d’une vie.
L’histoire de Boukary Kabré
Boukary Kabré, est un commerçant. Il a la quarantaine environ. C’est en 1996 que celui-ci a rejoint « bougzoute yaar » dans l’objectif de se faire un peu d’argent. Au début, il gagnait de petites sommes. 100 francs, 150 ou 200 francs par jour peut sembler insignifiant de nos jours, mais à l’époque, cet argent lui était d’une grande utilité.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a décidé de rester à Zangoethin dans l’espoir de mieux gagner sa vie un jour. Zangoethin est un quartier situé dans le centre-ville de Ouagadougou. C’était le quartier général des viandes séchées de second choix. Boukary Kabré y était installé avec ses camarades commerçants. Mais en 2005, ils ont dû libérer les lieux à cause du projet ZACA du ministère en charge de l’urbanisme. Depuis lors c’est à Sanyiri, que monsieur Kabré et ses pairs ont installé leurs quartiers.
Aujourd’hui, il gagne sa vie dans ce commerce. Il aide même d’autres personnes à gagner la leur. Même s’il est difficile d’estimer ses gains, monsieur Kabré s’est réalisé dans ce business. Comme lui, beaucoup d’autres rendent grâce à Dieu.
En Dieu, Mahamoudou Ouédraogo aussi croit fortement. C’est pour cela qu’il fait parfois office d’Imam pour diriger les prières à la mosquée du marché. Par ce rôle, il continue de rendre grâce à Dieu pour sa vie comblée. Ce père de famille polygame jouit ainsi d’une bonne réputation auprès des autres commerçants à « Bouzoute yaar ».
La cinquantaine dépassée, cet homme travaille avec un patron sur ce site. Il est l’un des nombreux exemples de vie consacrée et réussie dans ce commerce. Epoux de deux femmes, c’est dans les années 1980 qu’il s’est marié grâce aux retombées de ce business. Il a aussi pu acquérir un terrain et bâtir sa maison. Toutes ses réalisations, tirent leurs origines dans ce travail pour lequel, il s’est pleinement investit.
Les circuits d’approvisionnement et de vente des viandes
C’est dans les différents abattoirs de la ville que ces commerçants s’approvisionnent. Les pattes, les queues, les peaux et les têtes de bœufs sont les plus prisées. Les têtes de moutons et de chèvres dans une moindre mesure. Une fois la viande disponible, elle est dépiécée à l’aide de machette et exposées au feu pour enlever les poils. Ensuite, elles sont séchées avant d’être mises sur le marché. Ce processus permet de conserver les viandes plus longtemps afin de les revendre.
Les prix dépendent de la taille des animaux. En exemple, la queue de vache et de bœuf est vendue entre 3.000 et 4.000 francs CFA. Les pattes vont de 750 Francs à 1250. Les peaux quant à elles coutent entre 3.500 à 7.500 Francs CFA.
La saison des pluies est la période de fortes demandes des viandes de « Bouzoute yaar ». Les produits s’exportent essentiellement vers les pays côtiers. La côte d’Ivoire, le Ghana, le Benin, le Togo et le Nigeria sont les principaux pays de destination. Une partie moins importante se commercialise un peu partout sur le territoire burkinabè.
Un commerce avec quelques difficultés
La principale difficulté des commerçants de « Bouzoute yaar » est liée à la crise sécuritaire. Il est difficile d’envoyer le bétail à Ouagadougou d’où la flambée des prix de la viande. A cette difficulté s’ajoute l’hygiène et l’assainissement du marché. En cette période hivernale, les eaux de pluies stagnent détériorant la qualité de l’environnement sur le site.
De plus, il n’y a pas d’endroit aménagé pour recevoir les eaux issues du traitement de la viande. Pour pallier ce problème, les commerçants s’organisent pour convoyer et jeter les eaux sales tous les soirs à Kossodo. Ils demandent la mise à leur disposition de bacs et un aménagement du marché. En attendant, chaque samedi, ils s’organisent pour donner un coup de balai à l’espace du marché.
Comment intégrer le marché
L’intégration du marché est libre. Il suffit de prendre attache avec les responsables des commerçants. Avec 50.000 francs CFA, on s’achète quelques morceaux pour commercer explique monsieur Kabré. Plus de 400 personnes travaillent dans ce marché. Les commerçants sont en majorité hommes et un petit nombre de femmes. A « bouzoute yaar », des vieux, des jeunes, des pères et mères de famille trouvent dans cette activité leur pain quotidien.
Arnaud Fidèle YAMEOGO