Ouagadougou : Un malvoyant gagne sa vie dans le transfert des crédits de communication
Adama Conseiga est un jeune malvoyant burkinabè de 18 ans vivant à Ouagadougou. La détermination et la combativité de ce garçon a sans doute retenu l’attention de plusieurs Ouagalais. Malgré son handicap visuel, Adama vend des crédits de communication. La difficulté est double. Effectuer des opérations de recharge malgré son handicap et en se promenant pour le faire de surcroit. La philosophie du jeune Adama est simple. Le handicap se trouve dans la tête.
Adama fait de son mieux pour subvenir à ses besoins et soulager sa famille. Sa vie, il la risque au quotidien pour rentrer les soirs avec le fruit de son labeur. Le rêve de Adama Conseiga est d’ouvrir un jour une agence de transferts d’unités et de mobile money. Justement, le bureau de l’association Makesense à Dakar entend mobiliser des fonds pour aider ce combattant. Une campagne de collecte de fonds sera lancée au profit de celui qui a dit non à la facilité.
Il perd la vue à 12 ans
Adama Conseiga est un jeune malvoyant burkinabè. C’est à Nagrin, un quartier périphérique à la sortie sud de Ouagadougou qu’il réside. Sa vue, il l’a perdue il y a de cela six ans. Nous sommes en 2012 alors qu’il était au Cours Elémentaire 2ième année (CE2). A la suite d’une maladie soignée sans succès, il perd la vue. Ce jour-là, le soleil s’était couché avec l’espoir de toute une famille. Il est alors contraint d’abandonner ses études.
Deux ans plus tard, c’est au bout de plusieurs efforts des siens que Adama pourra reprendre le chemin de l’école mais cette fois en tant que malvoyant. Cette année Adama Conseiga est en classe de 6e dans un pensionnat de Ouagadougou. Avec d’autres jeunes, il poursuit ses études au centre de l’Union Nationale des Associations burkinabè pour la promotion des Aveugles et Malvoyants (UN-ABPAM). C’est dans ce centre que Adama Conseiga a appris à manipuler le téléphone auprès des autres pensionnaires. En effet, ils s’amusaient à manipuler les téléphones et à s’envoyer des unités. C’est de là que lui est venue l’idée de vendre des crédits de communication. Au lieu d’être un poids pour sa famille, Adama a préféré être une solution. Il décide de faire de cette activité son gagne-pain.
Adama Conseiga, le malvoyant vendeur de crédit de communication
Il est jeune et il a 18 ans cette année. Avec 5.000 FCFA, Adama s’est lancé dans la vente des crédits de communication. La condition de malvoyant ne lui a pas empêché de développer d’autres sens. Mais Adama ne se fixe pas de limite. « Je ne me considère pas comme un handicapé » nous dit-il. Du haut de sa taille se présente un physique bien bâti, signe de la combativité du jeune garçon. En dépit de son handicap, le jeune Conseiga manie sans difficultés le téléphone. Ses années passées au centre lui ont permis d’étudier le téléphone et d’avoir une maitrise des touches. Toute chose qui lui permet de faire ses opérations sans erreurs.
Dans les rues de Ouagadougou, notre combattant se déplace à l’aide de sa canne munie de sa pancarte sur laquelle il est écrit : « sap sap Telecel, Orange Money, Mobicash ». Pour marquer sa présence, il répète de temps à autres : « sap sap », terme qui est communément utilisé dans ce type de commerce pour signifier la rapidité des transactions.
Rentrer tous les soirs avec des blessures
Le souci majeur de Adama Conseiga est lié à la circulation. Les accidents de la circulation et les chutes dans les caniveaux sont des risques qu’il côtoie au quotidien. « Chaque jour que je sors je reviens avec des blessures » confie-t-il. Blessures dues aux risques dont nous avons fait cas plus haut. Malgré cela, le combattant continue son business. Son rêve est d’ouvrir un jour une agence dédiée à son commerce à Ouagadougou afin de rester sur place sans risque d’accident et de blessure.
Une collecte de fonds pour aider Adama Conseiga
Makesense est une association à caractère international implanté dans plusieurs pays dans le monde avec sept bureaux dont un à Dakar au Sénégal. C’est de là qu’est venue l’idée d’organiser un atelier hold up pour trouver des solutions au défi d’Adama Conseiga. Le hold up est un outil innovant d’intelligence collective qui consiste à se réunir pour trouver des solutions au défi d’un entrepreneur.
A travers le coordonnateur Burkina Faso de Makesense Serge Diasso et des facilitateurs d’innovation de sa communauté, un atelier a été organisé le 29 août 2020 pour solutionner le défi actuel du combattant. A savoir : « comment lever des fonds afin de structurer et développer les activités de Adama Conseiga ? ». L’objectif est de trouver un local et du personnel pour l’accompagner dans la structuration de son activité. Un concept de solution a été trouvé au cours de cet atelier. D’ores et déjà, Serge Diasso invite les bonnes volontés à apporter leur contribution afin de structurer le business de ICODAM-1er.
Adama Conseiga fait en plus de la vente des crédits de communication la décoration des chaussures et la production d’autres produits comme les champoings pour cheveux. Au passage, il ne manque pas d’inviter les jeunes qui ont eu plus de chance que lui à se mettre au travail pour changer leur condition et le Burkina Faso. Le véritable handicap se trouve dans la tête. Telle est la philosophie d’entreprise d’un jeune handicapé visuel qui a dit non à la fatalité.
Arnaud Fidèle YAMEOGO