L’attiéké : Un joyau culinaire à fort pouvoir économique

Autre fois appelé « Adjékè » en langue ébrié, l’Attiéké est l’un des mets ivoiriens le plus commercialisé qui traverse les frontières. Véritable « carte postale culinaire » de la Côte d’Ivoire, cette semoule a conquis le monde entier. Elle est originaire des zones côtières de la Cote d’Ivoire depuis des siècles. De nos jours, l’attiékè s’est retrouvé au-delà de la Côte d’Ivoire, devenant l’un des aliments les plus connus d’Afrique francophone, d’Europe et d’Amérique du Nord. L’attiéké est également bien consommé au Burkina Faso. Il s’est lancé dans la commercialisation depuis des années. Cap sur ce joyau culinaire.

Consommé par de nombreux Africains, au petit déjeuner, au déjeuner ou au diner, l’attiéké est un couscous traditionnel cuisiné à partir de tubercules de manioc.  Ce plat est originaire des zones côtières de la Cote d’Ivoire, depuis des siècles. Il se consomme avec plusieurs accompagnements à toutes les occasions, Mariages, Diner gala, fêtes traditionnelles, réjouissances, etc.

La culture du manioc n’est plus le seul apanage des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest (Cote d’Ivoire, Nigéria, Ghana etc.) réputés gros consommateurs de ce tubercule. Il faudra désormais y compter le Burkina Faso. Dire que les Burkinabès raffolent les produits dérivés du manioc, en l’occurrence l’attiéké ne souffre aucun débat. Il suffit de se rendre à la gare de train pour voir le nombre de tonnes d’Attiéké qui débarquent chaque semaine. La commercialisation se fait de plus bel dans presque tous les restaurants des villes du pays. Aux abords des routes de Ouagadougou par exemple, précisément les soirs, on peut apercevoir des tables sur lesquelles sont dressés des plats d’attiéké pour la vente. Madame Diane Bata est une vendeuse d’attiéké qui dit bien gagner sa vie grâce à ce commerce. « J’ai commencé à vendre l’attiéké il y a 7 ans et je gagne bien ma vie. Au début je faisais des bénéfices de près de 500.000 FCFA par mois. Mais depuis un certain temps, mon gain a baissé à cause de la vie chère. Je me suis payée deux fois des motocyclettes et une parcelle. En outre, j’aide mon mari dans les charges familiales, tout cela grâce à l’atiéké que je vends tous les soirs ».

Madame Diane Bata dans son restaurant d’atiéké

Si certaines vendeuse d’attiéké se frottent les mains, ce n’est pas le cas pour d’autres. Madame Ouédraogo Alimata affirme avoir 40.000 FCFA par mois comme bénéfices, néanmoins elle arrive à contribuer dans la prise en charge de la scolarité de ses enfants et à subvenir à ses petits besoins. Pour les consommateurs de l’atiéké, c’est un plat accessible même à ceux qui ont de faibles revenus. « Avec 300FCFA, je peux m’acheter un plat d’attiéké avec du poisson et ma soirée est gagnées. » Disait le jeune Zoungrana Pascal qui a l’habitude de consommer ce plat.  L’attiéké n’est pas seulement importé pour être commercialisé au Burkina Faso. La consommation est tellement élevée que de petites unités de transformation ont été construites pour sa production.  C’est l’exemple de l’unité de transformation de Florence BASSONO. Elle a créé FASO ATTIEKE, une entreprise qui transforme et commercialise le manioc local. Alors qu’elle était sous la menace de licenciement par son employeur, Florence se met à chercher des idées d’entreprise. Elle s’essaye dans un premier temps au commerce, mais ce fut un échec. Cette activité n’était pas faite pour elle. Dans un second temps, elle se lance dans la transformation du manioc local en couscous (attiéké). Cette fois-ci le succès est au rendez-vous. C’est ainsi qu’elle crée son entreprise nommée Faso Attiéké.  Son entreprise a pour vision d’être le leader en matière de production d’attiéké de bonne qualité et 100% burkinabè. Elle y gagne bien sa vie et contribue à résorber le taux de chômage à travers le recrutement des femmes. Au Burkina Faso, on note également la présence de trois unités de transformations du manioc dont deux à Banfora et une à Orodara. Ces unités de transformations d’une capacité de 24 tonnes par Jours sont gérées par des groupements de femmes. Jusque-là, ces femmes ne rencontrent aucun problème de commercialisation. Bien au contraire, elles n’arrivent pas à satisfaire leurs demandent.

La petite histoire autour du nom de l’attiéké

Le mot attiéké est une déformation du mot « adjèkè » de la langue ébriée parlée dans le sud de la Côte d’Ivoire. À l’origine (et parfois encore aujourd’hui), les femmes ébriées ne produisent pas de la même manière l’attiéké qu’elles vendent, et celui qui est consommé par leur propre ménage. Elles qualifiaient d’adjèkè le produit préparé pour le commerce et la vente, afin de marquer la différence avec le produit consommé à la maison (« Ahi »). Ce sont ensuite les transporteurs bambaras qui ont propagé ce mot le faisant passer à « atchèkè ». Les colons français (certainement pour motif d’esthétisme à l’écriture) écrivirent « attiéké » ; mais, dans la rue, on prononce souvent « tch(i)éké ».

Les variantes d’attiéké :

  • L’abgodjama

C’est une variété d’attiéké dont les grains, de grosse taille, se différencient des autres, de plus petites tailles. Cet attiéké est généralement consommé par les peuples lagunaires eux-mêmes. Fabriqué à base d’une variété de manioc de qualité supérieure, il coûte plus cher que les autres variétés. Il est bien souvent difficile de s’en procurer.

  • L’attiéké petit grain

Il est destiné au commerce et a des grains relativement plus petits que l’agbodjama. C’est le standard de l’attiéké. Cette variété est disponible sur les marchés en grande quantité et à bas coût.

  • L’attiéké de garba

Composé de très petits grains entremêlés, il est fabriqué à partir de la pâte de manioc fermentée, destinée à faire du placali, d’où son goût très acidulé. De plus, l’étape de roulage pour l’attiéké est remplacée par un tamisage d’où une texture peu régulière de ses grains, ceux-ci restant très agglomérés. Le goût très acide provient d’un manioc généralement de mauvaise qualité, ce qui favorise les fibres présentes dans l’attiéké. Sa vente se fait par lots, valant trois fois moins cher que l’attiéké de qualité.

  • Production de l’atiéké

Le manioc est épluché, broyé et mélangé à une petite quantité de manioc auparavant fermenté (c’est l’inoculum ou ferment ayant différentes appellations selon les ethnies productrices : « mangnan » en Ebrié, « lidjrou » en Adjoukrou, et « bêdêfon » en Allandjan), puis la pâte ainsi obtenue est mise à nouveau à fermenter pendant un à deux jours. Au bout du temps de fermentation qui aura permis d’éliminer en grande partie l’acide cyanhydrique que contiennent naturellement le manioc, la pâte est essorée, tamisée, séchée et vannée puis mise à cuire à la vapeur. Après quelques minutes de cuisson, l’attiéké est prêt à être consommé.

  • Comment consomme-ton l’atiéké ?

L’attiéké se consomme traditionnellement en accompagnement de viandes ou de poissons fris, souvent avec une sauce  (claire ou graine) dans le sud de la Côte d’Ivoire, et peut se manger avec les mains après en avoir formé de petites boulettes.

L’attiéké peut également se consommer avec des œufs en omelette, pour le diner ou comme goûter. Ce repas est généralement accompagné d’un mélange d’oignons et de tomates découpés en dés et aromatisés avec des épices et du vinaigre.

L’attiéké s’accompagne de fruits comme l’avocat et parfois même de graines d’arachides grillées.

Il a la réputation de faire dormir. Certains diront que c’est parce qu’il rassasie bien, d’autres parce qu’il a une haute teneur en amidon. L’attiéké est composé à plus de 95 % de glucides et est très pauvre en lipides (environ 2 %) ainsi qu’en protides (moins de 2 %). Sa valeur calorique est faible, en moyenne 188 kcal pour 100 g.

Toujours est-il que c’est un accompagnement prisé par les populations pauvres car il permet de manger à satiété à un faible prix.

  • L’atiéké sur le marché international

Produit typiquement ivoirien, l’attiéké est devenu ces dernières années une denrée qui s’exporte bien. Il est vendu dans les pays de la CEDEAO et d’Europe notamment en France et en Belgique. Ce mets  ivoirien est apprécié et se vend à bon prix. Selon l’Agence de presse ivoirienne, en 2016, le sac de 50 kilogrammes d’atiéké se vendait entre 50 000 et 60 000 FCFA à Abidjan.

En Europe, l’attiéké déshydraté, frais ou congelé est vendu en sachets d’environ 500 g. Bien entendu, pour l’exportation, l’attiéké doit être présenté correctement selon les standards internationaux. Il peut dès lors être vendu à 2 euros soit 1200 France l’unité. Ce qui fait environ 10 fois le prix d’achat pour la même quantité en Côte d’Ivoire.

                                                                                       Laetitia Cynthia C. BAYALA

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