Entrepreneuriat au Burkina Faso : Fatoumata Konaté, l’étudiante qui ose

Le système d’éducation, de formation et de l’emploi au Burkina Faso à mal à son inadéquation. Une grande majorité des diplômés qui sortent des universités du pays, voyait en la fonction publique leur salut. Pourtant dans un contexte international et national marqué par la crise de l’emploi, l’entrepreneuriat est l’alternative.

Toutefois, elle ne peut fonctionner que dans un écosystème favorable aux entreprises. En dépit de la morosité de cet environnement, il y a des jeunes qui arrivent à se frayer leur chemin. Fatoumata Konaté fait partie des étudiants qui osent. En plus de ses études, elle évolue dans la transformation de l’arachide en pâte et en poudre. Dans une virée dans la clémente cité de Bobo-Dioulasso, nous vous proposons une interview avec la responsable de l’entreprise Konaté Fatoumata Service (KF Service). Interview au cours de laquelle nous avons parlé d’études et d’entrepreneuriat.

Bizya Africa : Bonjour madame présentez-vous à nos lecteurs s’il vous plait ?

Konaté Fatoumata : Je suis Fatoumata Konaté, étudiante en troisième année de bio analyse et assurance qualité à l’université Aube Nouvelle de Bobo-Dioulasso. Je suis la promotrice de KF Service.

Bizya Africa : Présentez-nous votre entreprise et ses activités en quoi elles consistent ?

Konaté Fatoumata : Konaté Fatoumata Services (KF Service) est une jeune entreprise burkinabè spécialisée dans la transformation des produits locaux. Mais pour le moment nous faisons de la transformation de l’arachide en produits finis pour la cuisine. C’est en cela que consiste notre activité.

Fatoumata Konaté, responsable de KF Service

Bizya Africa : Quels sont les produits que vous proposez ?

Konaté Fatoumata : Nous faisons la transformation de l’arachide pour obtenir de la pâte d’arachide et de la poudre d’arachide. Pour le moment ce sont ces deux produits qui sont disponibles. Ils peuvent être utilisés dans la préparation de la sauce feuille, de la bouillie, des gâteaux et d’autres mets.

Bizya Africa : Comment avez-vous eu l’idée de transformer l’arachide et comment avez-vous démarrer cette activité ?

Konaté Fatoumata : Pour ce qui est de l’idée, il faut d’abord dire que c’est après avoir décelé un problème de qualité de la pâte et de la poudre d’arachide vendues dans les marchés. Ce que j’ai pu constater et ce que certaines femmes racontent, est que ces deux produits sont généralement mélangés avec de la farine, des sons de céréales ou d’autres impuretés. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de transformer moi-même l’arachide en pâte et en poudre. J’ai donc fait un plan détaillé sous forme de canevas avant de me lancer.

J’ai d’abord commencé à payer petit-à-petit ce qu’il me fallait pour démarrer. Puis il y a eu un appel à projet de candidature féminine du programme canadien UNITERRA. J’ai postulé et j’ai été sélectionnée ce qui a prouvé que mon projet était pertinent. Il y avait plusieurs candidatures et une vingtaine a été retenue dont le mien. J’ai suivi des formations très enrichissantes avec eux et ils ont même organisé une visite chez moi. C’est de là que tout est parti.

C’est ainsi que j’ai commencé cette activité. Je payais une petite quantité d’arachide que je transformais petit-à-petit. J’ai toujours fait en fonction de la demande de la clientèle.

Bizya Africa : Quelles étaient les difficultés aux débuts?

Konaté Fatoumata : Les difficultés au début sont pratiquement les mêmes que maintenant. C’est toujours les problèmes financiers et de matériels. Mais la plus grande difficulté au début était d’abord la clientèle. Les gens étaient habitués à payer la pâte et la poudre d’arachide de 100 et 200 francs CFA dans les marchés. Ce n’était vraiment pas évident que quelqu’un qui est habitué à cela puisse laisser tomber et payer des produits bien conditionnés dans les emballages. En plus ce sont les femmes qui cuisinent et nous savons que les gens vivent au jour le jour et la popote est journalière. Donc il est difficile de prendre l’argent de la popote d’un jour pour payer nos produits.

KF Service met sur le marché des produits finis dérivés de l’arachide

Bizya Africa : Comment est le marché de nos jours?

Konaté Fatoumata : Aujourd’hui je rends grâce à Dieu. Au regard des difficultés que nous avons connues avec la clientèle, on peut dire que le marché s’est beaucoup amélioré. Maintenant nous avons pu convaincre la clientèle. Il y a des gens qui préfèrent prendre un pot de pâte d’arachide pour une semaine, un mois voire plus. Cela évite d’aller payer à chaque fois au marché où le risque de contamination est élevé.

Parce que dans les marchés, à chaque fois qu’un client vient, il faut ouvrir à l’air libre pour servir le client avec la présence de certains microorganismes. Il y a certaines personnes qui ont compris cela et qui prennent les produits chez KF Service. Chez nous après la production, nous conditionnons dans les pots et dans des emballages. Il n’y a pas question d’ouvrir et de servir. Les pots sont hermétiquement fermés et le client est la seule personne à l’ouvrir au besoin.

Bizya Africa : Où est-ce que vous vous approvisionnez en matière première et comment se déroule le processus de transformation de l’arachide en produits finis ?

Konaté Fatoumata : ma matière première vient du Burkina Faso et précisément de Banfora. En ce qui concerne la transformation, elle est assez simple mais demande une très grande attention car il s’agit de produits alimentaires.

Par exemple pour faire la pâte d’arachide, dès que nous avons la matière première il faut d’abord trier pour enlever les impuretés. Cela est très important et permet de diminuer les risques de contamination des mycotoxines ou aflatoxines. Après cette étape nous passons à la torréfaction qui consiste à griller ou à exposer l’arachide trié au feu. Les peaux sont ensuite enlevées avant d’en venir à l’avant dernière étape qui est celle du broyage. Une fois la pâte obtenue, elle est conditionnée dans des pots.

Bizya Africa : Quels sont les différents prix de vos produits et où peut-on les avoir ?

Konaté Fatoumata : Pour le moment, les pots de pâte d’arachide qui sont disponibles coutent entre 300 et 8.000 FCFA, voire plus. Mais au-delà de 8.000F, il faut faire une commande. Il y en a pour 300 francs, 1000 francs, 2.000 francs, 3.500 francs, 5.000 francs et 8.000 francs CFA. Pour la poudre d’arachide les prix vont de 200 francs à 2.000 francs CFA. Il y’en a les emballages de 200 francs, 500 francs, 1.000 francs et 2.000 francs CFA. Les produits de KF Service sont pour le moment disponibles à Bobo-Dioulasso auprès de certains revendeurs. Ils peuvent être produits sur commande pour les éventuels clients qui se trouvent dans les autres villes du pays.

Bizya Africa : Vous êtes étudiante en troisième année de bio analyse et assurance qualité. Comment arrivez-vous à cumuler études et entrepreneuriat ; et en quoi votre formation à l’université vous aide dans votre entreprise ?

Konaté Fatoumata : J’arrive à cumuler les deux parce qu’à l’université les programmes sortent chaque semaine. Souvent il y a des semaines ou je n’ai pratiquement pas cours. Je profite donc de ces temps libres pour faire la production et disponibiliser une quantité donnée. C’est le début qui était compliqué parce que je ne savais pas quelle quantité produire en fonction des besoins du marché. Si j’en produisais trop c’était un problème. Si j’en faisais aussi en deçà de la demande c’était aussi un problème, parce que je n’allais pas pouvoir satisfaire la clientèle. Sans compter si j’ai cours ou un devoir en ce moment.

Donc au début je me mettais la pression parce qu’avant de commercer l’entrepreneuriat on m’a dit qu’il sera difficile pour moi de faire les deux, donc j’étais au courant. De fois si j’ai des commandes, en période de cours et de fois même des devoirs en même temps, je réduis mes heures de sommeil et de repos pour faire la production. J’ai déjà fini la production à 2 heures voire 3 heures du matin pendant que j’ai cours le matin.

Mes cours de bio analyse et l’assurance qualité m’aident beaucoup à pouvoir assurer la qualité de mes produits. C’est vrai que je n’ai pas un centre pour certifier la qualité de mes produits. Mais grâce à ces études je sais comment produire et je suis consciente des dangers que courent les consommateurs si les produits ne sont pas de qualité. Dans le domaine de la transformation de l’arachide, grâce à bio analyse j’ai découvert qu’il y a des mycotoxines telles l’aflatoxine qui contaminent des graines d’arachide.

Celles-ci doivent être enlevées car elles peuvent être dangereuses et sources de maladies pour le consommateur. Ces maladies que sont les maux de ventre, des troubles digestifs et même le cancer peuvent aboutir à la mort. C’est la dose qui fait le poison donc consommer de l’arachide contaminée par l’aflatoxine peut être dangereux pour la santé. J’ai parlé d’aflatoxine parce que ma vision est de produire de la patte et de la poudre d’arachide avec 00% d’aflatoxine.

Bizya Africa : Qu’avez-vous à dire aux jeunes en général et aux étudiants comme vous en particulier qui désirent entreprendre ?

Konaté Fatoumata : A ceux qui désirent entreprendre, je leur dirai tout simplement d’oser. Quand on a des idées de projet il faut oser. Généralement il y a des gens qui ont des idées mais qui ne savent pas si ça marche ou pas et qui n’osent pas prendre le risque. Pourtant il faut oser. Si ça marche tant mieux au cas contraire ils vont apprendre. Il faut aussi approcher les aînés qui sont dans les domaines pour demander des conseils et être mieux situé. Et il ne faut pas lâcher. J’ai l’habitude de dire que tout le monde peut entreprendre mais n’entreprenez pas quand vous n’êtes pas prêt.

Bizya Africa : Quel est votre dernier mot ?

Konaté Fatoumata : Mon dernier mot c’est d’inviter les populations burkinabè à consommer local parce que les produits viennent de chez nous. C’est nous même qui les produisons et qui les transformons donc il n’y a pas de crainte. IL faut juste consommer car il n’y a rien de tel. Si KF Service devient une très grande entreprise c’est tout le Burkina Faso qui gagne. Nous emploierons des gens et nous allons contribuer au développement du Burkina Faso.

Arnaud Fidèle YAMEOGO

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