Céréales en Afrique: Un marché qui attend d’être exploité
Les sociétés humaines se sont développées autour de la culture des céréales. La céréale est une plante à graine. Les principales céréales cultivées dans le monde sont le maïs, le blé, le riz, l’orge et le sorgho. La production, la transformation, la commercialisation des céréales, fait vivre des millions d’hommes et de femmes. Dans la sous-région ouest africaine, la filière céréale est pourvoyeuse d’emplois et de richesses. C’est aussi un outil de lutte contre la pauvreté. Toutefois ses potentialités sont souvent sous exploitées. Allons à la découverte de la plus vielle des armes du développement de l’humanité.
La production des céréales
La production mondiale de céréales était de 2715 millions de tonnes en 2019-2020 selon l’organisation des Nation-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Pour la même campagne, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) prévoyait une production céréalière de 69 à 76 millions de tonne. Quant à celle de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), elle s’établissait à 28 millions pour la campagne 2017-2018.
Selon toujours le Comité inter-Etat de lutte contre la sécheresse dans le sahel (CILSS), le Burkina Faso est en troisième position dans l’espace UEMOA. Il a produit plus de 4 millions de tonnes en 2017-2018. Pour la campagne écoulée il était attendu plus de 5 millions de tonnes. Ainsi, après le coton, la filière céréale est la deuxième filière porteuse selon le programme de croissance économique dans le secteur agricole.
La vente des céréales, une activité simple qui nourrit son homme
Soré Issaka est un vendeur de céréales au marché de Toecin. Un quartier de la partie nord de la ville de Ouagadougou. Il a commencé son commerce dans les années 2000 avec quelques sacs qu’il achetait auprès des grossistes de la place. Il nourrissait l’espoir de trouver dans cette activité son pain et devenir un jour un grand commerçant de céréales.
Du temps s’est écoulé depuis lors et le business de M. Soré a connu des jours meilleurs. Dans sa boutique d’environ 20 m2, il dispose de plusieurs dizaines de sacs de 100 Kg tous produits confondus. Parti de quelques sacs, M. Soré vend aujourd’hui plusieurs types de céréales. « Je vends du maïs, du mil, du sorgho blanc, du sorgho rouge, du niébé ou haricot et du riz venu de Sourou » dit-il. Même si notre entrepreneur rêve de voir son business prospérer davantage, il fait désormais partie des grands commerçants de céréales de Toecin.
Au sujet des bénéfices réalisés, M. Issaka Soré nous donne des détails. « Nous pouvons faire un bénéfice minimum de 250 francs à 500 francs sur un sac vendu ». Ainsi, notre commerçant du marché de Toecin renchérit : « par jour nous pouvons vendre entre 20 à 30 sacs voire plus si le marché a été bon ». Grâce à cette activité M. Soré a pu réaliser beaucoup de choses et il rend grâce à Dieu.
Cependant, dans le commerce des céréales en Afrique, la principale difficulté est liée à la qualité des produits qui se trouvent dans certains sacs. Il arrive qu’après l’achat il y ait des impuretés. Ce qui entraine souvent des remboursements. Il faut aussi ajouter les crédits que contractent certains clients ou des revendeurs qui après disparaissent dans la nature. Malgré ces difficultés, la vente des céréales est une source de réalisation aussi bien sociale qu’économique.
Les prix auprès des grossistes et des détaillants.
Au Burkina Faso, le prix d’achat en gros des céréales diffère en fonction des saisons et des récoltes. Si les saisons ont été bonnes cela va jouer sur les prix. Par contre les prix auprès des grossistes sont relativement connus. « Pour les sacs de 100 Kg, les clients doivent débourser la somme de 11500 francs pour le maïs. Pour le Sorgho blanc et le sorgho rouge il faut compter entre 12000 F et 12500 F. Le riz du Sourou quant à lui se vend uniquement en détail à raison de 1000 francs le plat. Pour ce qui est du petit mil, le sac de 100 Kg fait 17500 francs » détaille notre interlocuteur Issaka. Les prix fluctuent souvent mais à en croire ces professionnels ces deux dernières années le prix est resté stable.
Auprès des détaillants, les prix vont de 450 à 1000 francs. Dans un autre quartier de la ville nous avons rencontré par coïncidence Omar Soré. Détaillant au marché de Larlé, un quartier populaire de Ouagadougou. Avec cet homme frappé par la cinquantaine, nous avons échangé sur les prix des céréales vendus au détail. Selon lui le plat de maïs coûte 450 francs. Celui du sorgho blanc est à 550 francs et 600 francs pour le plat de mil. Pour le haricot, le prix s’élève à 1000 francs.
Dans la sous-région ouest africaine, les prix sont approximativement les mêmes avec de légères différences, d’un pays à l’autre. Les statistiques de l’UEMOA laissent transparaitre une relative stabilité des prix au niveau de l’espace ces dernières années.
D’où proviennent les céréales ?
Les céréales les plus produites en Afrique sont le riz, le maïs, le mil et le sorgho. En Afrique de l’ouest les céréales proviennent de plusieurs pays. Selon le CILSS, entre 2017-2018, le Mali était en tête avec plus de 9 millions de tonnes. Il est suivi du Niger avec 5,8 millions de tonnes, de la Côte-d’Ivoire avec 3,3 millions de tonnes. Le Sénégal suit avec 2,5 millions de tonnes, le Benin 1,9 millions de tonnes, Togo 1,3 millions de tonnes et la Guinée avec 210.000 tonnes. D’autres pays comme le Ghana et le Nigeria enregistrent aussi d’importantes productions céréalières.
Au Burkina Faso, les produits céréaliers qu’on retrouve chez Issaka Soré à Ouagadougou et sur le marché, proviennent de l’intérieur du pays. Houndé, Bobo Dioulasso, Dédougou, Tougan et Fada N’Gourma sont les principales localités de provenance de ces céréales. « La plupart des produits céréaliers sont disponibles sur le marché durant toute l’année. Mais leur période se situe juste après les récoltes surtout à partir du mois de décembre » explique M. Soré. C’est à ce moment que les commerçants grossistes se ravitaillent auprès des paysans dans les campagnes de l’intérieur du pays. Les prix de céréales diffèrent selon les localités d’origine et des périodes de l’année. Les achats se font dans des sacs de 100 Kg. Par exemple le sac de 100 Kg ne coutera pas la même somme à Houndé qu’à Dédougou.
Un marché de transformation à explorer
Le maïs est l’une des céréales les plus cultivées et consommées dans le monde. Et de toutes les céréales, il ressort que le maïs est celle qui marche le plus sur le marché africain. Au Burkina Faso, le constat est le même aux dires de certains commerçants de Ouagadougou. En effet cette céréale occupe une place importante dans la culture alimentaire des burkinabè. Cependant la transformation des produits céréaliers reste très faible. La consommation par exemple du maïs se fait en plusieurs étapes. Il est grillé frais ou bouilli. De plus il est transformé en farine dans les ménages et par des particuliers.
A une plus grande échelle, seules quelques industries arrivent à transformer ces céréales en farine et qui la revendent comme matières première. C’est le cas du grand Moulin du Burkina Faso (GMB). A côté du GMB, de la Minoterie du Faso, seules quelques unités d’envergure locale occupent ce vaste marché. En plus de la farine, elles transforment les céréales en semoules, grumeaux, les granules de bouilli, en brisures et en biscuit. Ces produits dérivés peuvent être conditionnés dans des emballages et mis sur le marché à des prix étudiés. Il faut aussi noter que les grains concassés de céréales sont beaucoup utilisés dans la fabrication des aliments pour le bétail. Ces sous-secteurs de la chaine de transformation représentent des opportunités d’investissement qui peuvent inspirer des entrepreneurs. A ce potentiel marché, s’ajoute la diversité de produits, de recettes à base du maïs et des autres produits céréaliers.
Une forte consommation des céréales source de profit
Les céréales font partie des habitudes alimentaires dans beaucoup de pays en Afrique. Plusieurs mets sont à base de céréales. C’est le cas par exemple du tôt, du couscous, du « dèguè », des beignets. Elle est aussi utilisée dans la préparation de la pizza, du gratin, du pain, du lait de céréales, de la bouillie, du gâteau chocolaté. Il y a toute une diversité de mets faits à base des grains. Certaines personnes pourraient se spécialiser dans la restauration avec des produits dérivés des céréales. La diversité de mets qu’offrent les céréales occasionne une demande en perpétuelle évolution.
Mieux s’organiser pour satisfaire le marché
La culture des céréales au Burkina Faso est pratiquée par des paysans. Parmi ces braves paysans, les exploitations appartenant à des investisseurs privés sont très faible. En dépit des potentialités du secteur, certains sont encore retissant aux vertus la terre. Dans les pays voisins, le constat est le même. Pourtant, il ressort que la production nationale des céréales n’arrive pas satisfaire les besoins nationaux. Ainsi plus de 370 millions de tonnes de céréales ont été exportés durant la campagne 2019-2020 dans le monde. Mais seulement quelques pays d’Amérique, d’Europe et d’Asie se partagent plus de la moitié de ce marché.
L’autre constat sous nos cieux est relatif au maïs utilisé dans la production de la bière. Les industries comme la Brakina s’approvisionnent sur des marchés étrangers du fait de l’insuffisance de la matière première ou du manque d’organisation des acteurs. C’est pourquoi l’investissement dans la production est une opportunité de satisfaire la demande nationale voire régionale. Mais tout passe par une bonne organisation.
Que faut-il pour se lancer dans le business des céréales ?
La terre ne ment pas. Cependant, il faut s’investir pour récolter des fruits. La production des céréales demande de la détermination. A cela s’ajoute de l’eau, de la terre, des équipements et des techniciens.
Par contre, le business de la vente des céréales ne nécessite pas un grand investissement financier. Il est possible de commencer avec deux ou trois sacs. Les sacs de 100 Kg de céréales se vendant entre 11.500 et 17500, on peut lancer son business avec 30 000F. Au fur et à mesure, les bénéfices générés peuvent permettre d’augmenter la capacité. Pour ce qui est du commerce en gros « avec 500.000 francs il est possible de se lancer » confie Issaka Soré. Quant à la transformation et la restauration, elles peuvent se faire à petite échelle avec le minimum de moyens disponibles et le reste viendra avec le temps.
L’économie céréalière est toujours dans l’attente aussi de petits que de grands investisseurs. Que ce soit par la production, la vente ou la transformation ce secteur représente une véritable opportunité d’affaire pour tous. Pourvu qu’il ait la volonté et le courage de se lancer et surtout de faire mieux que les autres.
Arnaud Fidèle YAMEOGO